Compte rendu de la journée d'étude "Tout savoir sur PNB"
RETOUR SUR LA JOURNÉE TOUT SAVOIR SUR PNB (8 MARS 2016)
Les vidéos de la journée sont disponibles à : http://reseaucarel.org/page/videos-de-la-journee-d-etude-tout-sur-pnb
Le 8 mars 2016, a eu lieu à La Médiathèque de Levallois une journée organisée par Réseau Carel (Coopération pour L’Accès aux Ressources Numériques en bibliothèques) consacrée au Prêt Numérique en Bibliothèque.
Avec plus de deux cents demandes d’inscription venues de France et de Navarre, les places étaient chères et la salle comble. La présidente de Réseau Carel et directrice de La Médiathèque de Levallois, Sophie Perrusson, ouvre la rencontre en rappelant les objectifs de la journée devant une assemblée principalement constituée de bibliothécaires : mieux se situer face à l’offre PNB et être à même de faire des choix pour mieux servir les publics des bibliothèques, « celles-ci devant être en phase avec l’évolution de la société ».
Propos repris par l’adjoint au Maire délégué à la Culture, Stéphane Decreps, qui explique la volonté qui a présidé à la construction de la médiathèque qui accueille cette journée : être un espace ouvert, conçu comme un espace culturel, « agora et living room » dans la cité. S’il précise que la Ville de Levallois est engagée dans le numérique depuis 2001, il est conscient des enjeux du virage numérique : « on ne peut ignorer que cela fait évoluer nos services » et « permet de revisiter les missions des bibliothèques ». Rappelant que le numérique est un canal et non un tout, l’élu recentre la mission du bibliothécaire d’aujourd’hui, et de demain, sur son rôle de médiateur culturel.
Le programme de la journée s’annonce chargé. Après un état des lieux, tables rondes et retours d’expériences se succèderont pour évoquer différents aspects et enjeux de PNB aujourd’hui. La journée prendra fin avec les perspectives d’évolutions techniques visant l’amélioration de « l’expérience usager ».
- PNB aujourd’hui, comment ça marche ?
Créé en 2013, « PNB est un projet interprofessionnel piloté par Dilicom et soutenu par le CNL (Centre national du Livre). Il a été conçu comme un dispositif d'échange d'informations entre éditeurs, libraires et bibliothèques, afin de faciliter le développement d'offres de livres numériques pour les bibliothèques ».
Extrait du site de Réseau Carel.
- Dilicom, une structure interprofessionnelle au centre du dispositif
Insistant sur l’essence de ce projet collectif, Véronique Backert, directrice de Dilicom, parle de PNB comme d’un « acte politique », né de la volonté d’un groupe de professionnels des différents secteurs du livre.
PNB est, dit-elle, un « écosystème raisonné dans un environnement libéral » où le rôle de Dilicom, grâce à une infrastructure mutualisée, est de faciliter les échanges entre les différents acteurs de la chaîne, en offrant à tous un langage commun, des bases de données bibliographiques, des entrepôts numériques partenaires, ainsi qu’une plateforme d’échanges à laquelle les librairies et bibliothèques se raccordent.
En savoir plus avec le schéma complet du système ainsi que sa dynamique de fonctionnement.
Pour Dilicom, il s’agit de fournir un dispositif fiable assurant à tous le même niveau de service, de l’élargir à davantage d’acteurs et d’adapter encore l’offre aux bibliothèques.
« La première difficulté est de faire avancer tout le monde en même temps », explique Véronique Backert.
Aussi le rôle de Dilicom est d’accompagner à l’utilisation et de s’assurer de la bonne compréhension de l’esprit et des impératifs techniques du dispositif.
« PNB est encore en construction, le dispositif n’est pas figé ». Cette conclusion de Dilicom sera développée tout au long de la journée : PNB continuera à évoluer en fonction des avancées technologiques mais aussi des remontées des utilisateurs et des partenaires.
Une question dans la salle aborde la problématique des données personnelles : « les transactions sont anonymes, rassure Dilicom, le seul élément conservé est la bibliothèque d’origine du lecteur », ce qui faisait partie du cahier des charges d’origine. Cela permet d’établir des statistiques et particulièrement, de vérifier le taux de pénétration du numérique sur les territoires (France, Belgique, Suisse).
Cette question centrée sur les statistiques fait le lien avec l’intervention suivante, très attendue par certains.
- Le ministère, un acteur neutre en charge de l’évaluation
Cécile Queffelec, chargée de mission Ressources numériques, Bureau de la lecture publique au Ministère de la Culture et de la Communication, précise d’emblée le rôle du Ministère, auquel la mission d’évaluation du projet PNB a été dévolue dès l’origine. Pour le Ministère, une étape importante a été franchie avec l’adoption des 12 recommandations pour une diffusion du livre numérique par les bibliothèques publiques signées le 8 décembre 2014 par les différentes professions, les collectivités territoriales et l’État. Parmi ces recommandations, la représentante du Ministère précise que deux intéressent particulièrement le projet PNB : « les bibliothèques doivent avoir accès à l’intégralité de la production numérique offerte aux particuliers » et « la possibilité de suivre et de partager les statistiques sur l’offre et les usages ».
Évaluer, c’est d’abord définir des critères pour déterminer ce que l’on veut mesurer. Notamment en termes d’offre, la question de la nouveauté d’un document ne se juge pas uniquement sur des critères techniques, mais aussi éditoriaux : ainsi a été défini « nouveauté » tout ouvrage dont la première parution papier date de moins d’un an par rapport à ce qui est mesuré. De la même façon, les « catégories d’ouvrages » ont été nécessairement déterminées au préalable.
La représentante du Ministère a donné les chiffres de la première évaluation, insistant sur la croissance, tant en matière d’offre que de prêts, sur les derniers mois de 2015.
Ainsi ce sont 37 librairies, 116 217 notices (ce qui ne veut pas dire autant de titres), environ 60 % de fiction, 955 éditeurs, 60 bibliothèques utilisatrices de tailles très différentes, de France, de Suisse et de Belgique.
En 2015, on comptabilise 16 000 acquisitions de licences (dont 12 000 en France), 60 000 prêts dont 41 000 en France par 53 bibliothèques raccordées à PNB (31 appartenant à des réseaux : agglomération, intercommunalité ou BDP). Par ailleurs 50 % des prêts ont été effectués sur les trois derniers mois de 2015, ce qui montre une croissance accélérée.
Évidemment le modèle canadien, qui a inspiré en partie le projet PNB européen, publie des chiffres bien supérieurs : 2 millions de prêts en 2015 mais le projet québécois, d’une part a été mis en service en 2011, et d’autre part, couvre un réseau de taille et de nature non comparables.
L’offre actuelle correspond à un peu plus de 50 % de celle offerte aux particuliers. Ce chiffre fait particulièrement réagir la salle où, selon les points de vue et la tendance à considérer le verre à moitié plein ou à demi vide, ce chiffre est plus ou moins apprécié. Le Ministère, qui vise l’objectif des 100 %, se place du côté des optimistes et se félicite là aussi de la croissance rapide de ces derniers mois, avec l’arrivée de nouveaux distributeurs dans le dispositif en octobre dernier, multipliant ainsi par 5 l’offre de titres en quelques mois.
Pour aller plus loin : les chiffres clefs présentés à la journée et publiés ensuite par le Ministère
- Réseau Carel : quand des bibliothécaires négocient avec des éditeurs
Les éditeurs fixent le prix PNB du titre, différent du prix unique proposé au particulier et mettent en place leurs conditions. La parole passe alors à deux membres du Réseau Carel, Guillaume de La Taille et Alexandre Lemaire qui ont rencontré les éditeurs pour un échange constructif de points de vue, cherchant à trouver des accords « gagnant-gagnant ». Ils expliquent qu’ils ont été très bien accueillis et qu’il y a eu une écoute réciproque d’autant plus utile que le monde de l’édition et celui des bibliothèques ont très peu d’échanges par ailleurs. Ainsi chaque secteur a pu entendre les contraintes, les enjeux et les besoins de l’autre.
« L’éditeur est un acteur marchand, il faut qu’il y ait pour lui un intérêt », rappelle l’un des intervenants.
Ainsi l’exemple de pays comme le Québec montrant que le prêt en bibliothèque peut être un adjuvant pour les ventes de livres numériques (augmentation de 33 % des ventes suite à la mise en place de pretnumerique.ca) et un moyen de lutter contre le piratage, contribue à convaincre les éditeurs que la bibliothèque peut être leur alliée dans le développement du marché numérique.
- Parlez-vous PNB dans le texte ?
Pour bien comprendre PNB, on ne devrait plus parler de livre mais de droit : un droit d’exploitation (la licence) sur un temps donné.
Ainsi un livre numérique est un droit auquel sont attachées des fonctions.
Mais il y a des variables selon les éditeurs ou les groupes d’éditeurs :
Le nombre de jetons = le nombre de téléchargements sur 1 titre acheté (entre 20 et 50 jetons généralement)
Le prix du titre
La durée de la licence (actuellement de 3 ans à illimité selon les groupes)
Le nombre d’emprunts simultanés autorisé pour un même titre (il est différent du nombre de jetons)
La durée maximale du prêt (59 jours pour rester en deçà d’une surfacturation des Digital Rights Management d’Adobe).
Du côté des bibliothèques, un des objectifs est d’obtenir une offre modulable afin que toutes les structures, quels que soient leur taille et leurs budgets, puissent bénéficier de PNB.
Les négociations essentielles portent ainsi sur le nombre de jetons (des lots plus petits permettent de rendre l’offre d’un groupe éditorial accessible aux plus petites bibliothèques), la simultanéité (difficile à obtenir chez certains groupes), la durée maximale du prêt (qui doit pouvoir se caler sur la politique de prêt de la bibliothèque). La question de la durée de la licence est importante aussi puisqu’elle permet d’étaler dans le temps l’utilisation des jetons.
Obtenir une différenciation des conditions entre nouveautés et titres de fond fait aussi l’objet des discussions. Il est en effet de l’intérêt des deux secteurs de favoriser, à côté de l’achat de nouveautés pour lequel le modèle est déjà pertinent, l’acquisition de titres de la « longue traîne », ce qui constitue une des missions des bibliothèques, quand par ailleurs les éditeurs ne vendent plus beaucoup de titres de fond aux particuliers.
Exemples à l’appui, il ressort de ces rencontres que les éditeurs se sont montrés intéressés, en particulier les directeurs de collections numériques, et que depuis lors, certains groupes éditoriaux ont revu favorablement les conditions de leur offre, ce qui confirme l’utilité de ces échanges entre Réseau Carel et les éditeurs.
Néanmoins, comme dans toute affaire, il semble plus facile de négocier avant que l’éditeur ou le groupe n’entre dans le dispositif, précise un des bibliothécaires de Réseau Carel.
Pour aider les bibliothécaires à mieux lire le catalogue PNB et à faire leurs choix en matière d’acquisitions, Réseau Carel a construit deux outils d’analyse (tableaux Excel), qui, par groupe éditorial d’une part, par éditeur d’autre part, comparent les offres. Le premier tableau les compare selon les conditions proposées, le second tableau via des indicateurs clefs, notamment via le tarif ramené à un indicateur permettant la comparaison malgré les conditions différentes (en passant par une comparaison au prix du modèle québécois). Ainsi chaque bibliothèque peut faire ses choix parmi les offres des éditeurs du dispositif PNB, et en fonction, ajuster sa politique d’acquisition.
- PNB, pour ma bibliothèque est-ce possible et à quels coûts ?
En préambule de la première table ronde, Marc Maisonneuve (Tosca Consultants) explique qu’il convient, comme dans tout projet, de distinguer les coûts d’initialisation des coûts récurrents.
Dans les premiers, on trouve un coût d’adaptation de l’infrastructure informatique (portail ou SIGB existant), ou un coût de mise en œuvre d’une plateforme de prêt numérique dédiée, auquel s’ajoute un coût de formation du personnel à l’utilisation du livre numérique. Car dans un métier en évolution, le bibliothécaire d’aujourd’hui doit posséder une culture numérique et des savoir-faire adaptés.
Dans les coûts récurrents, se trouvent des coûts de maintenance informatique (ou un coût d’abonnement au service en ligne), des coûts d’acquisition des titres, éventuellement un coût d’abonnement à une source de récupération de notices et la contribution aux frais de fonctionnement de Dilicom (à partir de 30 euros pour les villes de moins de 20 000 habitants jusqu’à 350 euros annuels)
Ouvrant les échanges, Xavier Galaup, président de l’Association des Bibliothécaires de France, se réjouit que des concertations interprofessionnelles aient pu faire avancer les choses sur la lecture numérique en bibliothèque, même s’il aurait aimé que d’autres modèles que PNB, notamment un système de streaming ou de bouquet avec facturation à l’usage, aient pu être proposés. Il engage les bibliothécaires à communiquer sur leurs missions et à continuer à faire progresser cette expérimentation.
- Une expérience de mutualisation
Caroline Kolb, responsable des services numériques de la BDP du Bas-Rhin, fait part de l’expérimentation PNB au sein d’un réseau de 205 bibliothèques, 180 salariés dont 55 à la BDP, 2200 bénévoles : ici l’offre PNB s’inscrit dans une offre plus large de ressources numériques (presse, VOD) avec prêts de liseuses et tablettes. PNB a démarré ici en 2014 avec la plateforme Cantook Station de De Marque et Feedbooks comme libraire, après des expériences antérieures avec Numilog et Epagine. La même enveloppe regroupant l’intégration de la plateforme et l’achat des titres, la partie technique de PNB a grevé de 55 % le budget acquisitions 2015 mais il s’agit d’un coût ponctuel non récurrent.
Fin 2015 ce sont 400 titres, 363 usagers et une moyenne de 200 prêts par mois pour un service lancé il y a à peine quelques mois.
Les acquisitions se font dans une cohérence globale, le numérique étant couplé au papier.
La formation du personnel, et en particulier des bénévoles parfois très éloignés de la lecture numérique, est un point crucial : ainsi le parc de liseuses est destiné aux professionnels afin qu’ils s’approprient le numérique avant d’en faire la promotion auprès des usagers.
- Une impulsion donnée par les élus
À Carquefou, 19 000 habitants, Brigitte Noël, chef de projet ressources numériques, a engagé la médiathèque vers le numérique à la suite d’une demande de ses élus en 2013. Après une phase test en 2014 avec prêt de liseuses préchargées, PNB est lancé début 2015 avec un service en ligne BiblioOnDemand d’Archimed (coût annuel : 2280 euros). Pour la mise en route, une enveloppe de 7500 euros a été allouée à l’achat de livres numériques soit 13,5 % du budget 2015 d’acquisitions. Pour 2016, cette part a été ramenée à 8,5% .
Fin février 2016 à Carquefou, ce sont 600 titres numériques, 300 inscrits sur 3900 et environ 120 prêts par mois.
Au sein de l’équipe, formation, polyvalence et redistribution des fonctions ont été nécessaires pour avoir aujourd’hui 100 % de bibliothécaires convaincus, même les plus réticents initialement.
- Un service intégré au nouveau site
À Saint Brieuc agglomération, « PNB est tout neuf », annonce Cécile Thierry, directrice adjointe de la bibliothèque municipale : il a été mis en service en décembre 2015 avec une authentification unique via le nouveau site Internet. Comme à Carquefou, la volonté des élus a donné l’impulsion, ici dans le cadre d’un projet d’intérêt communautaire visant à offrir des ressources physiques et numériques à toutes les communes (14 de tailles très diverses) et assurant la même qualité de service à tout le territoire.
Il n’y a pas eu de coût d’initialisation, puisque l’intégration de PNB faisait partie de l’offre du SIGB et du site.
Du côté des acquisitions, la ville de Saint Brieux dispose d’un budget annuel de 10 000 euros pour les livres numériques.
Il faut noter que l’agglomération a pris en parallèle la plateforme CVS, « plus compliquée à l’usage » note l’intervenante.
- L’aide publique pour les projets PNB
David-Georges Picard, conseiller livre à la Délégation Régionale des Affaires Culturelles de l’Ile-de-France, reprend la notion d’écosystème raisonné, « une bonne description de la politique publique », celle-ci s’appliquant dans le secteur du livre à préserver les équilibres et les acteurs, notamment la librairie indépendante. Le fait que PNB intègre toute la chaîne du livre, y compris les librairies, est ainsi un élément qui intervient positivement dans l’évaluation de l’éligibilité des projets PNB du point de vue de la DRAC. Il ajoute que l’État s’attache aussi à la qualité et à la valeur ajoutée de PNB dans le projet de service de l’établissement demandeur.
Sur le terrain, les DRAC peuvent accompagner les bibliothèques dans l’interface avec les professionnels du livre, la construction des dossiers, la définition des dépenses éligibles à une aide, ou encore un appui des dossiers auprès des élus.
En Ile-de-France, la part de la DRAC peut atteindre 70 % du coût du projet (partie technique, documentaire et formation des agents). Les DRAC dépendant à la fois de l’État et de la politique régionale, cette part peut toutefois varier selon les régions.
Pour clore les échanges, Marc Maisonneuve revient sur les pistes ouvertes par cette matinée, soulignant le rôle des élus dans l’impulsion des projets et l’importance pour les bibliothécaires de parler d’une seule voix face aux autres acteurs. Il conclut par un « osez l’innovation » qui met la salle en appétit.
Pour en savoir plus, le diaporama de cette table ronde avec tous les chiffres.
- L’après-midi est consacrée aux lecteurs : que pensent-ils de PNB ?
Dès que l’on parle des utilisateurs, la question des Digital Rights Management, qui sera abordée en fin de journée, apparaît. Faisant l’objet de la recommandation N°7 parmi les 12 signées le 8 décembre 2014, les DRM ont légitimité à exister puisque ce sont elles qui « permettent de gérer le service de prêt numérique », mais elles ne « doivent pas rendre l’accès aux œuvres moins aisé ».
Qu’en pense-t-on chez les utilisateurs ? Une enquête a révélé que la plupart disent trouver les DRM tout à fait légitimes mais qu’ils piratent tout de même…
Ainsi s’ouvre la deuxième table ronde de la journée qui propose un tour d’horizon de différentes expériences d’utilisation.
- À Brumath, une formule grand luxe
Un premier retour, très enthousiaste, est celui de Habiba El Bakali, bibliothécaire
du réseau de la BDP du Bas-Rhin. Ouverte en 2013, la bibliothèque de 3500 abonnés a grandi avec le livre numérique, proposant dès son ouverture le prêt de liseuses. L’offre numérique est ici fournie par la BDP.
« Nous avons la formule grand luxe, ni acquisitions ni négociations, il ne reste plus qu’à faire la promotion et la médiation. »
Vaste chantier tout de même, puisque pour promouvoir, il faut maîtriser l’outil, donc former le personnel, soit 5 salariés et 51 bénévoles, faute de quoi « il n’y a pas de continuité du service public » affirme la bibliothécaire.
Outre la question majeure de la formation des équipes, les problèmes identifiés sont le nombre de titres insuffisants par rapport au papier et parfois… des incidents techniques et autres problèmes de connexion.
Ici, le profil du lecteur numérique est plutôt sénior, plutôt féminin, et plutôt utilisateur de transports en commun. Il s’agit souvent de grands lecteurs, qui peuvent être attirés par des détails techniques, comme la légèreté du support, le grossissement de caractères ou le rétro éclairage.
- Grenoble veut capter l’attention des usagers
Rappelant que l’établissement s’inscrit dans un projet de Bibliothèque numérique de référence, Guillaume Hatt, responsable du service informatique aux bibliothèques, donne les résultats d’une d’enquête pointue, menée en collaboration avec l’ENSSIB en 2014 avec 4 phases : évaluation de la politique documentaire, analyse des emprunteurs (synthèse des résultats disponibles sur Enssilab), étude par questionnaires sur les pratiques de lectures puis entretiens individuels à propos du service offert via la plateforme Bibook.
Avec 1000 titres, ce sont 1000 à 1200 lecteurs (3 % des inscrits) pour 10 000 prêts sur 1 an de fonctionnement, dont plus de 50 % en fiction et avec un rapport de 16 prêts adulte pour 1 jeunesse, ce qui est corrélé à l’offre du catalogue où figurent 85 % de fiction et 81 % d’adulte.
70 % des utilisateurs lisent via des PC (ce qui inclut les liseuses), 20 % sur tablettes et 7 % sur smartphones. Dans l’ensemble, se dégagent une majorité de femmes, un lectorat de plus de 40 ans, et des CSP plus.
Il faut noter qu’1/5 des inscrits au service n’a jamais emprunté un livre, voire s’est arrêté avant de finaliser l’inscription.
En conclusion, un élément majeur est ressorti : la nécessité de simplifier l’accès au livre numérique, voire de s’affranchir des DRM d’Adobe. Les entretiens individuels ont parfois fait s’exprimer un certain « malaise » par rapport au livre numérique, écho des débats qui tourmentent les professionnels sur l’avenir du livre en bibliothèque.
Aussi, Grenoble a fait le choix de la médiation auprès de ses usagers avec des ateliers techniques, une communication claire sur l’offre de livres numériques et la mise en place de communautés de lecteurs numériques (pour le moment sous la forme d’un blog).
- À Carquefou, ça se passe plutôt bien
Tel est le constat de Brigitte Noël à Carquefou qui précise que, dans le cadre des relations privilégiées que permet une petite structure, les informations récoltées sont avant tout des ressentis et des retours de conversations.
Ici, le premier contact du lecteur avec PNB se fait en direct. Car pour s’inscrire au service, il faut venir à la médiathèque. Ainsi 300 happy fews sur 3500 inscrits utilisent PNB. 1/5e d’entre eux sont des séniors (contre 11 % de la totalité des abonnés) et 1/3 utilisent le service régulièrement. Le reste réserve la lecture numérique à ses déplacements (voyages et vacances) ou aux difficultés de déplacements. Très souvent, les usages restent mixtes, numérique et papier.
Même si les usagers se réjouissent de pouvoir emprunter un livre 24h/24 sans être tributaires des horaires d’ouverture de la médiathèque, il est amusant de noter que les pics d’emprunt suivent les habitudes : avant le week-end et les vacances !
Bonus PNB : « l’emprunt simultané d’un même titre permet de désengorger les réservations sur les livres papier » souligne Brigitte Noël.
Ici aussi, la médiation auprès des usagers, ne serait-ce que sur de simples questions techniques, est très vite apparue indispensable.
- Vers une expérience utilisateur simple dans un environnement mobile
Dans un contexte où le Web se déplace vers le mobile, affirme Hadrien Gardeur (Aldiko), les attentes des usagers changent vers un besoin accru de fluidité. Aujourd’hui, il semble donc indispensable d’offrir au minimum un site « responsive design », un espace dédié au livre numérique et un système d’authentification unique.
Orientée vers un avenir mobile, l’application Aldiko (Feedbooks) a développé plusieurs fonctionnalités qui simplifient considérablement l’accès au livre numérique et l’expérience utilisateur, réduisant ainsi les difficultés de lecteurs peu à l’aise avec les technologies : notamment avec la création d’un Adobe ID transparente pour l’utilisateur (il se crée automatiquement lors de la connexion d’Aldiko à une bibliothèque numérique), ou la géolocalisation de la bibliothèque la plus proche de l’usager, ou encore l’interrogation directe du catalogue numérique sans passer par le site Web de la bibliothèque (grâce à un protocole nommé OPDS).
« Nous sommes encore en période pionnière de PNB, dit Xavier Galaup pour clore cette table ronde, et les freins à l’usage sont souvent d’ordre technique pour l’utilisateur ». Il faut donc se concentrer sur la simplification de l’utilisation et, pour les bibliothécaires, sur la médiation auprès des publics via des professionnels formés.
- La journée finit sur une promesse d’avenir simplifié : la Licensed Content Protection (LCP)
Directeur technique de EDRlab, antenne de la fondation Readium, Laurent Le Meur aura le mot de la fin en parlant d’avenir. EDRlab a été créé fin 2015 pour promouvoir l’Epub en Europe, avec applications de lecture et logiciels Open source adaptés. À ceux qui se demanderaient pourquoi des DRM dans un monde Open source, Laurent Le Meur répond « pour les bibliothèques ! »…
Car les DRM ont du bon : modèles d’affaires, elles permettent la gestion des droits de prêt de manière honnête. En outre, elles permettent de lutter contre le piratage, ce qui est un objectif majeur pour les éditeurs.
Petit rappel : le tatouage numérique (watermarking), avancé par certains comme l’alternative aux DRM, ne permet pas la gestion des droits.
Mais, les DRM actuellement, ce sont beaucoup de désagréments pour tous (utilisateur, libraire, distributeur) avec des obligations, de la complexité, un système lourd d’identification, des limites quant à l’accessibilité et l’interopérabilité, mais aussi des freins au partage et à l’archivage.
Et paradoxe, non des moindres, elles provoquent le piratage, nous dit Laurent Le Meur.
C’est là qu’arrive LCP.
Une « DRM light » qui corrige les aspects négatifs d’Adobe en se concentrant sur les droits d’utilisation et en privilégiant une expérience utilisateur simplifiée. Côté technique, tout passe par une idée simple : un mot de passe permet d’accéder à un fichier Epub protégé. Pour les bibliothèques, une gestion simplifiée avec notamment un coût annuel et non plus par transaction. En outre, le système effectuera une mise à jour dynamique des licences, ce qui permet la prolongation des emprunts (actuellement difficile à gérer) et proposera un accès hors ligne. Enfin, il n’y aura plus de serveur centralisé et omniscient.
Bref, un avenir radieux prévu pour la fin 2016 J avec ce nouvel écosystème, ouvert, simple et équilibré pour toutes les parties. Quelque chose qui ressemblerait à l’esprit de PNB ?
Pour aller plus loin, voir le diaporama de la présentation sur le site d’EDRlab.
Ainsi s’achève cette journée PNB à Levallois, riche en échanges entre professionnels. D’un côté, les difficultés réelles rencontrées sur le terrain ont été relevées, et d’un autre, les bibliothécaires ont pu faire part de solutions mises en place concrètement, à la fois avec les éditeurs et sur le terrain avec les usagers, toutes ces expériences contribuant à améliorer encore le dispositif. Les acteurs techniques du livre numérique participent eux aussi, grâce à des développements importants, à faire évoluer PNB, notamment vers une simplification de l’accès et de l’usage, l’utilisateur étant pour tous le maillon final, celui pour qui PNB existe. PNB n’est toutefois pas la voie unique pour l’accès au livre numérique en bibliothèques et, comme pour tout domaine émergent, il serait sans doute intéressant d’explorer également d’autres modèles…
Isabelle Dauphin